RÉSUMÉ :
Lors du Sommet du Millénaire (2000), les chefs d’états se sont fixés l’objectif de réduire de 75% d’ici 2015 la mortalité maternelle dans le monde. Les progrès dans la connaissance de l’épidémiologie de la mortalité et de la morbidité maternelles ainsi que l’ex p é rience acquise sur le terrain ont permis à la communauté intern ationale de concevoir un programme dont les actions sont basées sur la preuve scientifique et dont le coût peut paraître relativement faible. Toutefois, la mise en oeuvre se heurte à la réalité : l’augmentation de l’accessibilité géographique à des soins obstétricaux d’urgence, complets et de qualité, nécessite de forts investissements et du temps ; l’augmentation de l’accessibilité financière reste difficile compte tenu du niveau de vie des populations et du désengagement de l’État. La réalité vécue par les femmes et les personnels est largement méconnue de la santé publique. Une approche pluri-disciplinaire associant à parts égales la santé publique, la gynéco-obstétrique, l’anthropologie, l’économie de la santé, les sciences politiques et les spécialistes de la mobilisation sociale et communautaire est indispensable.

Après des décennies pendant lesquelles la mortalité maternelle a été ignorée par la santé publique dans les pays en voie de développement, sa réduction en est devenue, depuis peu, un des enjeux majeurs. En effet, les chefs d’état du monde entier, réunis solennellement à l’ONU en septembre 2000 (Sommet du Millénaire) l’ont choisie pour être l’un des trois objectifs de santé du millénaire (ODM) avec la réduction de la mortalité infantile et la lutte contre le VIHSIDA, le paludisme et autres maladies. L’objectif fixé est non seulement très optimiste puisqu’il vise une réduction de 75% d’ici l’an 2015 mais il sera difficile à mesurer puisque la communauté scientifique intern ationale admet que c’est un indicateur peu utilisable en routine pour mesurer l’efficacité des programmes de lutte (1).

La lutte contre la mortalité maternelle est spécifique à maints égards et a donné lieu à un optimisme vite ralenti. En effet, la population est très ciblée (femmes enceintes et dans le post-partum) ; les acteurs sont très spécifiques : gynéco-obstétriciens, dans leurs fonctions obstétricales, et sages femmes ne s’occupent que de cette population ; enfin, les maternités sont des lieux bien identifiés, souvent relativement en marge du système de santé, et dédiées uniquement à la prise en charge des femmes enceintes ou en post-part u m et à leurs nouveau-nés bien portants. Il sembl e rait donc possible avec de tels atouts d’atteindre les objectifs fixés avec un minimum d’organisation, de planification et de moyens. Mais les programmes se heurtent à la réalité des systèmes de santé des pays en voie de développement (PVD) et l’accessibilité des objectifs du millénaire n’est pas évidente. Pour avoir une chance de succès, il ne faut pas hésiter à décrire et analyser les vrais problèmes, ce qui malheureusement est peu fait par les scientifiques et les bailleurs de fonds.