Cette conférence s’est tenue le 2 mars dernier à l’occasion du Salon International de l’Agriculture 2022 et avait pour thème « l’agriculture ivoirienne au-delà de la COVID-19 et du changement climatique : accélerer la modernisation du secteur ». 

Les personnes présentes intervenantes : le ministre d’Etat, ministre ivoirien de l’Agriculture et du Développement Rural, Kobenan Kouassi Adjoumani et son directeur de cabinet Nouhoun Coulibaly; le ministre des Eaux et Forêts, Alain-Richard Donwahi ; le ministre des Ressources Animales et Halieutiques, Sidi Tiemoko Toure ; l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Maurice Kouakou Bandaman ; Ségolène Royal, ancienne ministre française de la transition écologique et présidente de la COP21.

La conférence s’est déroulée en plusieurs temps.

D’abord, un modérateur a présenté et introduit les personnalités invitées et intervenantes.

A savoir le ministre d’Etat, ministre ivoirien de l’Agriculture et du Développement Rural, Kobenan Kouassi Adjoumani ; le ministre des Eaux et Forêts, Alain-Richard Donwahi ; le ministre des Ressources Animales et Halieutiques, Sidi Tiemoko Toure ; l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Maurice Kouakou Bandaman ; Ségolène Royal, ancienne ministre française de la transition écologique et présidente de la COP21.

Après une première courte vidéo sur l’agriculture ivoirienne, le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani introduit la séance et explique que l’agriculture est à la base de l’économie ivoirienne, représentant 22% du PIB et 60% des recettes d’exportations. 2/3 de la population active travaille dans ce secteur. Cependant, malgré la place majeure de la Côte d’Ivoire dans le marché mondial de certaines matières premières (noix de cajou, café, cacao…), l’agriculture fait face à de nombreuses difficultés actuellement, causées notamment par des chocs exogènes comme la crise sanitaire de la COVID-19 (+ crise des containers) ou le réchauffement climatique. L’objectif décrit est une modernisation du secteur couplé à une durabilité. L’objectif du gouvernement est de créer des conditions favorables à l’investissement, notamment privé.

Après cette introduction assez large, le ministre a laissé la parole à son directeur de cabinet Nouhoun Coulibaly, qui à l’aide d’une présentation PowerPoint, a appuyé le propos du ministre et détaillé les projets en cours.

Il a commencé par évoquer l’agriculture ivoirienne entre 2000 et 2010 et l‘absence de politique cohérente dans ce secteur pendant ces années, provoquant un manque d’investissement et une insécurité alimentaire accrue dans le pays. L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011 est décrit comme un événement favorable qui permet un retour à la stabilité politique propice au développement du secteur. Cette arrivée au pouvoir, couplée à la demande de l’Union Africaine à l’ensemble des pays de mettre en place des programmes agricoles régionaux. Cela a abouti en Côte d’Ivoire au premier PNIA (Programme National d’Investissements Agricoles) entre 2012 et 2017. Malgré la forte sécheresse de 2015, les résultats de ce programme sont positifs avec une très forte croissance du secteur agricole en 2017 notamment (+10% par rapport à l’année précédente). Ce programme permet aussi un rajeunissement du milieu alors qu’en 2010 60% des personnes avaient plus de 60 ans. Le second PNIA (2018-2023) a également de grandes ambitions avec 12 315 Milliards de Francs CFA investis, soit environ 19 milliards d’euros. L’objectif est d’entamer une réforme structurelle de l’agriculture ivoirienne qui passe par la modernisation du secteur et le développement de neuf agropoles. Par modernisation du secteur, le directeur de cabinet précise qu’il n’entend pas seulement l’achat de tracteurs et d’autres machines agricoles, une perception limitée de la modernisation, il parle plutôt d’un long processus évolutif.

Ce processus évolutif se base sur quatre nœuds clés, quatre thèmes à traiter.

  • – Le premier concerne les intrants. L’agriculture ivoirienne doit développer une administration semencière performante à travers notamment la mise en place de champs dans les filières clés (riz, soja, hévéa…). La production doit s’adapter à chaque zone en fonction du contexte local et des variations écologiques. Pour cela, la Côte d’Ivoire souhaite se tourner vers le secteur privé en valorisant les opportunités d’affaires.
  • – Le second thème est la production de masse. L’agriculture mise sur les acteurs et souhaite structurer les interprofessions permettant de faciliter l’adoption et la diffusion de nouvelles connaissances. La formation est également au cœur de ce projet de modernisation avec une collaboration entre d’une part le secteur privé et les écoles de formations et d’autre part l’Etat et les écoles de formation. Cette production de masse doit également se réaliser par l’agrégation d’exploitants et une plus grande coopération avec des partages de réseaux d’irrigation, des centres de mécanisation, des centres de services agricoles pour permettre plus de proximité avec les paysans. Le bémol de ce dernier point est que ces centres se trouvent pour la plupart dans les grandes villes du pays uniquement. Le montage de tracteur et d’autres équipements sur place afin de s’adapter aux différents types de sols, aux spécificités locales, est un exemple soulevé de mesures permettant de moderniser et d’améliorer le fonctionnement de l’agriculture ivoirienne. Cette dernière se penche également de plus en plus sur la question de la digitalisation du secteur, permettant à des jeunes ivoiriens d’innover dans l’agriculture. Tout cela passe par un système de crédit approprié à travers notamment les institutions de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement.
  • – Le troisième thème identifié est « infrastructures et marchés ». Toujours dans la volonté de moderniser le secteur, l’objectif évoqué ici est de mettre en place des plateformes de marchés fonctionnelles (marchés de relais, marché de gros, centre de prévention collecte…). D’augmenter les partenariats avec des grands distributeurs (comme Carrefour par exemple) et construire des abattoirs dans chaque agropole.
  • – Enfin, le dernier nœud est celui de la transformation des produits. L’initiative en cours est celle d’un hub de transformation sur 100 hectares dans chaque agropole. Une mécanisation du secteur de plus en plus importante permet également l’augmentation de la transformation.

La conclusion de cette intervention pointe l’évolution dynamique du secteur agricole depuis 2012, avec notamment une augmentation des productions vivrières de 65.88%.

Après cette longue intervention présentant l’agriculture ivoirienne et ses projets, la parole est donnée à nouveau aux différents ministres présents.

Sidi Tiemoko Toure, ministre des ressources animales et halieutiques, parle en premier et évoque les caractéristiques géographiques ivoiriennes (566km de façade maritime ; les quatre principaux fleuves : le Cavally, le Sassandra, le Bandama et la Comoé ; les réseaux lagunaires ; la surface agricole totale supérieure à 200 000 km2). Il explique ensuite que le secteur des ressources halieutiques reçoit peu d’investissement et que cela limite son expansion. Le secteur n’a jamais atteint 0,5% du budget national. Il mentionne également les déficits chroniques du pays en termes de production de protéines animales et halieutiques et qu’il y a donc une importation importante. Le ministère a entrepris avec le concours d’autres acteurs une vision durable du secteur à travers la politique nationale de développement de l’élevage de la pêche et de l’aquaculture 2021-2026. Cette politique se base sur deux centres de recherche, agronomique et océanographique.

Après cette intervention, c’est le ministre des Eaux et Forêts, Alain-Richard Donwahi qui à son tour discute de la situation agricole en Côte d’Ivoire.

Il explique l’interdépendance entre tous ces éléments, la forêt est notamment nécessaire pour les ressources en eau et pour la production de cacao. Entre 1900 et 2015, 90% de la couverture forestière ivoirienne a disparue. Le gouvernement a pris, selon lui, la mesure de l’urgence et du danger qui plane sur les forêts du pays qui pourraient disparaître intégralement d’ici 10 ans. Ainsi, le gouvernement s’est engagé au niveau international à atteindre une couverture de 20% en 2030 contre 9% aujourd’hui. L’agriculture est bien entendu en grande partie responsable de la déforestation et c’est pourquoi le gouvernement a signé en 2017 une initiative avec tous les industriels du cacao et du chocolat présents en Côte d’Ivoire pour qu’ils entreprennent une stratégie d’agriculture durable.

L’objectif du ministre est de reconstituer les zones forestières, de protéger certaines forêts classées et d’améliorer plus généralement la gouvernance forestière. La promulgation du nouveau code forestier est une première étape dans ce sens avec la création d’une brigade (650 commandos) pour lutter contre la criminalité forestière. Sensibiliser les populations à la déforestation et donner des terres à des paysans pour les pousser à faire de l’agriculture extensive et développer l’agroforesterie en attribuant des concessions forestières à de grandes entreprises qui permettraient le reboisement des forêts. L’objectif final présenté est qu’il n’y ait plus de déforestation liée à l’agriculture dès 2023.

Enfin, pour conclure la matinée, Ségolène Royal a félicité les initiatives ivoiriennes et rappelé le besoin de justice climatique et notamment que le continent africain n’était responsable que de 7% des gaz à effet de serre alors que les pays qui le composent font partie de ceux qui souffrent le plus des conséquences de ces gaz à effet de serre.