L’Afrique représente une large part de la mortalité infantile mondiale. Si l’on connait assez bien les causes médicales de ces décès, la qualité des soins accordés aux jeunes patients et la façon dont ces soins sont ressentis par les enfants ne sont que très peu étudiées. Notre étude, réalisée dans trois pays d’Afrique de l’Ouest, décrit combien les soins aux enfants comportent une part de violence et comment le statut social et les modes populaires d’éducation des enfants influent sur la qualité des soins.

L’amélioration de la qualité des soins dans les services de pédiatrie ne peut se limiter à une simple amélioration des techniques, mais doit aussi englober l’ensemble des dimensions socio-affectives qui constituent les fondements d’une éthique en acte.

Chaque année, dans le monde, 10 millions d’enfants décèdent et l’Afrique représente pratiquement la moitié de la mortalité des moins de 5 ans, alors que ce continent ne compte que 22 % de l’ensemble des naissances. Dans des pays comme le Mali ou le Niger, pour mille naissances vivantes, plus de 200 enfants n’atteignent pas l’âge de 5 ans. Une forte mortalité néonatale, quelques vastes maladies (diarrhées, malnutritions, infections respiratoires, paludisme) ou l’infection par le VIH sont principalement à l’origine de cette situation. Les caractéristiques « environnementales » de ces pathologies expliquent, en regard, les actions choisies — allant de l’éducation sanitaire à la distribution de moustiquaires imprégnées — pour réaliser un des principaux objectifs du millénaire pour le développement : réduire la mortalité infantile des deux tiers en 2015.

Tout ceci est indispensable. Mais nous voudrions souligner une autre conséquence résultant de cette situation sanitaire. En Afrique, les jeunes patients représentent — même si être malade n’est aucunement synonyme d’accéder aux soins — une part importante de la cohorte des usagers de l’hôpital. Pour ne prendre qu’un exemple, un article déjà ancien soulignait qu’à Bobo—Dioulasso, entre 1988 et 1990, 12000 enfants avaient été hospitalisés dans le service de pédiatrie.

A Conakry, selon nos propres observations, le service de pédiatrie où nous avons travaillé accueille plus de 800 enfants par année. En moyenne, chaque enfant hospitalisé « bénéficie – de 6 à 10 actes de soins- Si l’on considère les gestes les plus pratiques — perfusion, injection intramusculaire ou intraveineuse — cela donne au bas mot, pour cette unique structure, près de 5000 actes – « invasifs » pratiqués sur ces jeunes patients.

Vaste cohorte disions-nous, mais silencieuse… En effet, que savons-nous de la façon dont sont véritablement effectués les gestes pédiatriques, des mots ou des silences qui les accompagnent, des douleurs qu’ils suscitent, de ce qu’en pensent les enfants, du halo de Ieurs craintes ? Que savons-nous, sauf indirectement et confusément par l’intermédiaire des taux de mortalité ou l’étude des infections nosocomiales, des intéractions qui se déroulent entre enfanrs et soignants dans ces services.

Ces pratiques, ces paroles infantines et le domaine des douleurs ressenties, bien que composant quelques-unes des dimensions essentielles des espaces hospitaliers, restent largement inexplorés. C’est à contribuer à combler cette lacune en décrivant la situation des enfants dans les services de pédiatrie dans quelques services d’Afrique de l’Ouest qu’est consacré cet article.

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